Chapitre 20# Un diner presque parfait

Hier, nous sommes invités à diner chez mon pote Raphael et sa femme.

Raphaël est un très bon pote que j'ai rencontré à une période difficile de ma vie.

Je me sépare de mon mari en janvier 2008. J'ai 30 ans et je déménage dans un appartement de 30m2 dans Paris, 5ème étage sans ascenceur à 900€ par mois...le pied. D'autant plus que j'habitais dans 95m2 dans un superbe appart...mari parfait...plein d'amis, un job d'enfer... la vie parfaite sur le papier. Mais j'ai l'impression de ne pas être moi, de vivre une vie que j'aurais aimé aimer mais qui m'oppresse. La sensation d'être dans un moule, de ne pas avoir assez profité, d'être responsable trop vite, trop jeune.

Je renonce à tout ca pour reprendre une vie d'ado : pas de contrainte, pas d'horaire, pas de limite. J'enchaine sorties, petits amis pas très reluisants, j'absorbe beaucoup d'alcool. Parce que finalement je me rends compte que ma vie est précaire, que je ne construis rien, moi qui aspirais tellement à une vie saine.

Heureusement je suis très entourée. De mes amis d'avant qui me soutiennent et de nouveaux amis que je rencontre facilement. Forcément.  Je suis libre et je fais la fête. La compagnie d'enfer.

Les grandes vacances arrivent. Premières vacances seule depuis 10 ans. Je prends des RDV amis un peu partout.  Je prévois, entre autre, d'aller voir ma copine Sophie qui est à Marseille chez sa soeur. Je compte y rester 2 nuits.

Je débarque à Marseille un soir avec mon pote Niko. D'autres potes de Paris sont à Marseille et une soirée s'organise. On est bien, je suis entourée de gens que j'aime. Tout le monde a envie de faire la fête.

Nous dinons, puis allons en boite. 

Je rencontre David en boite. David est marseillais, d'une beauté renversante, distingué, gentil. Je plante mes potes et passe la nuit chez lui. Mes potes ne m'en tiennent pas rigueur, le mot d'ordre est chacun fait ce qu'il veut quand il veut. Ma copine Sophie attend 2 autres copains pour le lendemain. 2 potes que je n'ai jamais vu.

Je reste une bonne partie de la journée avec David le lendemain. Comme à chaque fois, je crois que j'ai trouvé LA personne qui me convient. Je suis sur un petit nuage. Il est incroyablement beau, me fait découvrir la ville en scooter, il est jeune, méditerranéen, l'accent qu'il faut ... .

Les potes de Sophie arrivent, dont Raphaël. Raphaël est sensé partager ma chambre. Je n'y suis evidemment pas quand il vient y poser ses affaires. Mais il me découvre à travers les affaires que j'y est laissé : une boite de lunettes de soleil Chanel, une boite de Prozac et un livre "victime des autres, bourreau de soi même". Aie, c'est du lourd. Raphaël est déjà plié de rire lorsqu'il voit ça alors qu'il ne me connait pas. "Ca promet!".

La rencontre se fait dans un fou rire réciproque, de la façon la plus naturelle possible. J'ai l'impression de le connaitre depuis 30 ans. Pas de jugement sur ce que je semble être, juste des moqueries qui me font moi aussi mourir de rire. Je me mets à sa place lorsqu'il débarque dans une chambre et voit ca sur un lit... . Et puis nous menons la même vie, la trentaine, célibataire parce que l'on veut trouver LA bonne personne, même humour décalé, pince sans rire. pas de jugement sur les autres. Un personnage très attachant, sensible et rassurant. Nous devenons amis immédiatement.

Au lieu de 2 nuits, je suis restée 8 jours. Sophie, Raphaël, Arman son autre pote, David et moi. Une équipe improbable de personnes qui ne se connaissent pas et qui vivent des moments exceptionnels, dans une entente parfaite, enchainant les fous rire et les sorties délurées. Une équipe de jeunes réunis par leur situation (célibataire, couple en break, parisien stressés par le travail...) qui ont besoin et envie d'exploser, de se lâcher, de tout oublier. Pas loin d'être les meilleures vacances de ma vie. 

C'était il y a 4 ans. Raphaël et moi sommes restés de très bons amis. Nous habitions à côté à Paris. David était de toutes mes sorties, mon conseiller et coach perso, un compagnon de rigolade, une oreille bienveillante.

Et puis 3 ans après, nous avons rencontré nos ames soeurs. Nous avons évolué, nous nous sommes investis dans nos couples. Nous avons changé. Beaucoup changé. J'ai déménagé à Clichy avec mon amoureux, lui et sa femme sont venus vivre dans notre rue. Trop contente. Sauf que je ne le vois plus,je ne discute plus avec lui et ne partage plus rien.

Lui vit à travers sa femme, ne fait rien sans elle, pense et parle comme elle (repète les mêmes phrases qu'elle), attend un enfant, s'est coupé de tous ses potes. Sauf de mon amoureux et moi. Mais on ne le voit qu'extrêmement rarement.

 Donc hier, nous étions invités pour la 1ère fois à diner chez lui. Cela fait 1 an qu'il a emménagé à 3 numéros de rue.

 On arrive, on s'asseoit, l'entrée arrive, puis le plat, puis le dessert... à 23h le diner est fini. Je parle de mon blog, je n'aurais pas du. Ils ne comprennent pas que je puisse faire un blog anonyme, non consultable par mon entourage, ma famille et mon mec. "Comment ça tu ne dis pas tout à Malik ?", "pourquoi faire un blog si c'est un journal intime?" "je n'aimerais que Raphaël fasse ça". je suis un peu vexée de ce genre de réaction. Parce que notre devise depuis toujours est "chacun fait ce qui veut en fait" surtout si ça fait du bien !!

23H30 nous sommes chez nous. je suis triste. j'en parle à mon amoureux qui me dit qu'il est sans doute heureux comme ca. Je lui dis que je comprends mais comment peut on ne pas reconnaitre quelqu'un que l'on a vu si souvent ? comment réagir lorsque l'on a l'impression que notre copain joue toujours un rôle, qu'il n'est absolument pas naturel face à sa femme, comme si chaque intervention avait besoin de l'approbation de sa femme ?? . Bon c'est comme ça. Il faut que je l'admette. Les gens changent. Mais moi je reste persuadée qu'il faut toujours rester soi même.